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L'interMEDIAire
24 juin 2014

La Croissance dans les BACs !

Source: Flickr

Je vous avais promis dans mon premier article, de vous démontrer les limites de la société de Croissance. Noté que le "C" de croissance est en majuscule et ne définit pas seulement le modèle économique dans lequel nous vivons tous, mais également une idéologie qui domine notre civilisation aujourd'hui. Je profite d'un petit évènement qui s'est passé avec le BAC en France, pour constituer ma démonstration. Loin d'une thèse complotiste, mais se rapprochant d'une observation et même d'expériences vécues au quotidien, j'essaierai de vous dénoncer la religion de notre époque, enseignée à tout âge et à tout moment ; toujours plus, plus vite, plus loin, plus éfficace etc.

La critique de la société productiviste portée par les Objecteurs de Croissance (en parallèle aux objecteurs de conscience) pour ne citer qu'eux, explique de manière concrète, appuyée sur des chiffres et des observations indéniables, le déclin de plus en plus visible de notre système. La crise économique n'est que la partie émergée de l'iceberg, en dessous, d'autres crises tout aussi graves constituent une crise majeure de notre temps[0].
Parallèlement, les informations qui les dénoncent (comme ce blog ?) sont de plus en plus massives et de plus en plus rapides (ce que nous pouvons aussi critiquer, dans le fait qu'elles peuvent en être déformées ...), propageant l'idée que notre mode de vie n'est pas le meilleur, bien au contraire. Or, tout le monde semble d'accord pour construire un modèle de société plus éthique et plus souhaitable. Mais la pensée dominante nous restreint de manière violente et visible, via les manifestations fortement réprimandées même au plat pays[1]. C'est aussi via les consciences, insidieusement que le système en péril installe en nous comme une impossibilité à l'affronter. Pour ne pas entrer dans les thèses à la Big Brother (même si j'ai beaucoup aimé 1984 de George Orwell et que de temps en temps ça y ressemble - en actu ; le projet "PRISM", des USA), je propose ici de vous donner quelques exemples concrets qui montrent bien que nous sommes passés à la fois croyants et pratiquants d'une religion sociale sous-tendue par les règles du libéralisme.

1. Un système à ne pas mettre en doute

D'abord, il est déjà très difficile de critiquer le modèle existant. 
Un premier exemple est le simple fait de tenir le discours inverse, celui de la Décroissance, qui s'oppose donc au principe même de la ligne directrice actuelle. Tout de suite, et heureusement, le concept tend trois pièges à ses détracteurs. Je vous les énumère pour bien vous rendre compte que dans la défense d'alternatives nouvelles et opposées, le pratiquant de la société productiviste n'accepte pas que l'on critique son Dieu Unique du consumérisme.

Le premier est d'en critiquer le mot et donc la forme du discours choisi. Alors que la croissance peut s'apparenter à la croissance des inégalités entre les peuples, entre les couches sociales, qu'elle peut définir la croissance de la pollution ou la croissance du mal-être, la décroissance est aussi vue comme un déclin ou comme la mise en place d'un modèle de vie très négatif. Les objecteurs de croissance répondent ; c'est aussi la décroissance des injustices, du gaspillage ou du désastre écologique. Une décrue opposée à une inondation [2].

Le deuxième piège est dans l'idée qu'on peut s'en faire. Celle du retour au temps des cavernes, du retour à la bougie ou de la charrette[3]. Vous n'imaginez pas combien de fois j'ai pu entendre ces préjugés lorsque j'en discutais autour de moi. On définit le mouvement comme utopique et irréalisable. À aucun moment, les protagonistes du "chemin de la décroissance" n'ont pourtant tenu de tels propos, même s'il est évident, que l'on retrouve chez eux la critique de la société de l'automobile, de la société du progrès (Le progrès qu'elle critique car il est souvent confondu avec le confort mais aussi parce que dans la plupart du temps, le mot est mal choisi. Ce que certains appellent un progrès n'a parfois pas d'avantage tant sur le plan social qu'environnemental ou économique - allez savoir, ...!). Là aussi, les défenseurs de la société de croissance n'avalent pas la critique qui est faite et préfèrent adhérer à une société "efficace", et "concurrentielle". À aucun moment, il ne mettrait en doute les actes de nos sociétés "progressistes".

Enfin, c'est le déni. Lorsque les détracteurs ont fini par entendre que les mouvements de la décroissances partent de constats véritables et fondés et lorsque les objecteurs de croissance forment des partis politiques et donnent des solutions tout à fait réalisables et quand ils avouent que certaines contradictions résident au sein même de leur économie ou dans la gestion de la cité, nos pourfendeurs réalisent ce que nous pouvons appeler une fuite vers l'avant. Ils énumèrent alors des solutions tout aussi extravagantes les unes que les autres, faisant appel aux innovations techniques ou scientifiques nouvelles, qui ne prennent pourtant pas compte de la finitude des ressources naturelles[5] ou des impacts qui peuvent en découler. L'objectif ? Continuer à faire tourner la machine de la croissance.


2. L'idéologie dominante est aussi reléguée par nos médias qui en dépendent

N'en voulez pas à votre petite amie ou vos amis (si tant est que vous relayez le discours que je présente ici), si le déni perdure et ne prend pas en compte ces idées dites "utopiques" et pourtant possibles et urgentes. Comment l'expliquer ? Si vous écoutez la radio, que vous regardez la télévision ou que vous lisez les journaux, le nombre de mots "croissance" est incalculable. Chez les hommes politiques, là aussi, l'idéologie de la Croissance bat son plein. Des personnalités comme François Hollande ou Obama ne savent plus faire un discours sans prononcer le mot, ne serait-ce même qu'une seule fois. Chez nous, dans les partis traditionnels, c'est le "retour de la croissance" et "la relance de la croissance" qui sont inscrits dans les programmes électoraux. (Par contre, chez les petits partis de chez nous, le mouvement VEGA et le Mouvement de Gauche se définissent comme écosocialistes)

3. Croissance et croissance ; on les accepte sans broncher

Mais qu'est-ce que la croissance ? Avec le "c" minuscule, elle est principalement définie comme étant la rentabilité de la productivité, aux bénéfices qu'on peut en tirer et à son efficacité. Son unité de mesure est le PIB. (le Produit Intérieur Brut). En temps de crise, ce dernier s'est vu modifié par ceux qui le contrôle. Tout d'un coup, on ajoute dans le calcul du PIB, les échanges économiques mafieux. La prostitution et la vente de drogue en font maintenant partie[4]Quand je vous disais que nous vivons dans une société à bout de souffle, je ne retenais pas mes mots. Cet acte répugnant a pour seul but d'augmenter le PIB (et donc la croissance, aux yeux des pays environnants, afin de mieux attirer les investisseurs, de mieux payer la dette ou d'investir à l'étranger, etc. - Enfin toute la miche-popotte pour garder la confiance en "la main invisible". ) Il existe pourtant d'autres moyens de calculer la richesse d'une nation, mais chez nous aussi, c'est le PIB qui est mis au premier plan.

La croissance dans les BACs

Mais revenons au C majuscule. Mis à part les irréductibles Gaulois précités auxquels la société de croissance doit faire face, l'idéologie dominante n'a pas beaucoup de soucis à se faire. Ainsi, quelques jours après le BAC en France, les questions sont diffusées sur le net[6] et entrainent une indignation de la part de certains pourfendeurs du néolibéralisme. Deux questions sont relevés par le magazine Mariane[7] comme étant tout à fait lié à l'idéologie dont je fais le procès.
Les voilà ;

1. Comment la flexibilité du marché du travail peut-elle réduire le chômage ? 
2. À quels risques économiques peuvent s’exposer les pays qui mènent une politique protectionniste ?

Ainsi donc et au plus jeune âge, on met déjà en doute les alternatives économiques au système dominant. Si c'est pas joli tout ça ?!

Je pourrais encore en dire long sur le sujet tant les exemples de ce type sont nombreux ne fût-ce que dans nos modes de vie ou dans nos façons de penser : l'idée que l'on se fait du travail, de ne pas savoir se passer de voiture ou la non-espérance du programme des partis émergeants, etc.
Nous y sommes tellement habitués que nous ne critiquons ce qui en ressort et qui est pourtant loin d'être positif.

Ce qui me semble le plus inquiétant, c'est que nous savons bien que quelque chose ne va pas. Nous le ressentons tous. Et parce que nous avons connu pire au début de ce siècle et parce qu'on nous fait croire que d'acheter des biens de consommations inutiles et obsolètes font de nous des hommes et des femmes libres, nous ne bougeons plus le petit doigt pour changer de politique, de modèle économique ou pour apprendre à respecter la planète. (moi-même, derrière cet ordinateur qui a sûrement un impact social, écologique et économique). L'individualisme qui sévit dans les pays riches n'est pas innocent à cette histoire et c'est donc bien dans le rassemblement et les collectivités, qu'il est possible de trouver des solutions concrètes pour créer un avenir plus sain pour les jours à venir à condtion de lutter contre les matraques ou le lavages de cerveau plus insidieux.
À travers la pub, aujourd'hui le bac, demain les cours d'économie, la société de croissance a malheureusement encore pas mal de jours devant elle.

Merlin

Sources :

[0] Pour s'en faire une idée, je vous conseille "Le Temps de la décroissance" de Serge Latouche & Didier Harpagès,Thierry Magnier, 2010 qui est sans cesse documenté par des sources indépendantes et vérifiables.

[1] La dernière en date était la manifestation contre le TSCG. Là ça a fait du bruit car c'était en fin de campagne politique et que trois députs écolos avaient été fait prisonnier pendant la manif - voir ici. On peut aussi citer la manif contre les immigrés afghans - Voir-là.

[2] Voir le site officiel du Mouvement Politique des Objecteurs de Croissance de Belgique / Statut - ici

[3] Comme dans cet article

[4] Chez nous, c'est passé le 4 juin apparemment : voir ici. Un substitut. La croissance ne reviendra pas. Pour la simple et unique raison qu'elle tire son principal profit de l'accaparement et l'exploitation des ressources fossiles, principaux moteurs de notre économie. Ressources qui scientifiquement, seront un jour vide.

[5] Là aussi, les idolâtres de la croissance vont diront qu'il y a encore du pétrole. Et c'est vrai, on en a encore trouvé en Afrique central et dans le Grand Nord et nous allons sans doute assister comme Amérique du Sud, où la délocalisation des paysans à proximité n'est pas encore terminée (...) En revanche, l'exploitation de ces dernières ressources sont plus difficiles à réaliser. Nous sommes donc dans une pente DECROISSANTE, dans la production du pétrole, harbon, uranium. Mais c'est aussi le cas du charbon, du gaz et de l'uranium. En attendant, nous continuerons de construire des centrales nucléaires qui pourront un jour exploser. Nous exploiterons d'autres énergies fossiles comme le gaz de schistes qui n'a pas fini de parler de lui. Bien sûr, l'Homme trouvera toujours des solutions pour assouvir son indépendance à l'énergie. Au lieu de penser à ralentir sa consommation en vue de laisser une planète viable, il cherche constamment à pallier le problème en trouvant des solutions tout aussi dévastatrices. Mais croire uniquement que l'Homme agira toujours ainsi est réducteur et il serait plus optimiste de penser qu'il réside encore en lui un 'espoir pour sauver sa planète et à terme, lui-même. C'est en tout cas ce que je crois et ce que j'espère, ...

[6] Disponible ici

[7] Marriane du 19 juin - disponible ici - il est possible que Pierre Gattaz, président du MEDEF, ait été consulté pour la rédaction de cette question !
C'est cet article qui m'a poussé à vous démontrer à quel point l'idéologie de la croissance était ancré dès le plus jeune âge et dans le cursus scolaire. Pour ma part, à l'unif, je n'ai eu que des cours d'économie générale où à aucun moment, nous avons vu d'autres systèmes que le libre-échange l'action de la "main invisible". Et vous ? Voir aussi cet article plus objectif que moi ; ici - et une sociologue qui analyse la chose ici

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